Il y a plus de 150 ans, une partie de l’Auberge Le Caribou existait comme étant la William Fruing and Company. C’est donc sur le terrain actuel de l’Auberge Le Caribou que des pêcheurs se sont révoltés contre les compagnies jersiaises. Nommer le Resto-Pub La Révolte en l’honneur de cet événement allait donc de soi. Nous sommes très fiers de vous accueillir parmi nous et de vous faire connaître une page de notre histoire.
Le contexte de la révolte
Des pêcheurs se rebiffent contre un système économique dominé par des compagnies étrangères, essentiellement jersiaises. Rivière-au-Renard porte fièrement aujourd’hui le titre de «Capitale des pêches» du Québec. Et ce n’est pas sans raison. En effet, son histoire locale se caractérise depuis plus de 200 ans par l’exploitation de la ressource halieutique. Ce village est aussi passé à la postérité pour avoir été en 1909 le théâtre d’une manifestation de pêcheurs qui revendiquaient des prix plus élevés pour leurs prises. Le mouvement de mécontentement est connu depuis sous le nom de «Révolte de Rivière-au-Renard». L’action des pêcheurs, au cours de cet événement, n’est pas dirigée contre une autorité politique comme peut le laisser croire l’usage du mot «révolte», mais contre un système économique dominé par des compagnies étrangères, essentiellement jersiaises.
La révolte
Dans un contexte où les pêcheurs engagent en début de saison des frais suivant le prix de revient de leurs prises, ils soupçonnent à juste titre les grandes compagnies de vouloir rajuster ce prix à la baisse, et d’ainsi tenter de les endetter encore davantage. Voyant donc venir le coup, ils envoient l’un d’entre eux, Philippe Francoeur, négocier directement la vente de leur poisson avec un acheteur d’Halifax. Le bateau de ce client arrive à Rivière-au-Renard le 3 septembre, mais il quitte le village dans la nuit suivante sans rien transiger. Soupçonnant une collusion de dernière heure avec les compagnies, les pêcheurs de la côte, une cinquantaine d’hommes au départ, se rendent chez la Robin Collas and Co. dans la journée du 4 septembre, avec Joseph Tapp à leur tête, et demandent un prix de 4 $ le quintal pour leur poisson
Aucunement habitués à ce genre de manifestation de solidarité, les agents de la compagnie paniquent et s’enfuient. À la faveur de la bousculade, l’un d’eux sort une arme et blesse un pêcheur, Urbain Chrétien, à la cuisse. Évidemment, le commis reçoit une rossée. Le lendemain, un nouvel attroupement se forme et des négociations avec les gérants des magasins locaux conduisent à une entente forcée que leurs patrons renient à l’étranger. Le 7 septembre, ces derniers demandent l’appui du gouvernement qui envoie deux bateaux armés à Rivière-au-Renard. Les militaires arrêteront dans les jours suivants un peu plus d’une quinzaine d’hommes qui ne demandaient rien de plus qu’un prix équitable pour leur morue. D’autres personnes seront arraisonnées et toutes seront poursuivies en justice puis emprisonnées à Percé.
Même si les pêcheurs ont perdu leur cause, les compagnies en ont payé le prix fort. Les affaires de la Robin, Collas and Co. périclitent au point ou ses actionnaires vendent leurs parts à une maison d’Halifax. La nouvelle compagnie est depuis connue sous le nom de Robin, Jones and Whitman. Pour sa part, la William Fruing and Company fait faillite en 1912. Quant au montant d’argent payé au pêcheur pour son poisson, il remonte à partir de 1910 pour atteindre des sommets incomparables pendant la Première Guerre mondiale.
Mario Mimeault, MA Histoire, Chercheur indépendant
Gaspé, le 9 septembre 2002